Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre, Le Syndrome du Titanic
"Le Syndrome du Titanic évoque bien sûr l'attitude des passagers du célèbre paquebot qui continuaient à danser et à festoyer sans réaliser la proximité avec l'iceberg fatal. Autrement dit, si nous ne changeons pas de direction, nous courrons à la catastrophe." Nicolas Hulot.
Je vais rarement au cinéma et il est encore plus rare que j'en revienne affecté, pour ne pas dire infecté par ce que j'y ai appris à observer. Le Syndrome du Titanic, premier film co-réalisé par Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre, n'est pas un documentaire écologiste de plus parmi ceux que l'on a pu voir ces trois dernières années. Que l'on est bien loin ici des visions misérabilistes et sentimentalistes d'un Al Gore dans un 4x4 ou d'un Yann Arthus-Bertrand en hélicoptère qui, à coup de morale ou d'images haute définition, nous plongeaient dans une intrigue apocalyptique en nous peignant leur vérité dérangeante ! C'est en véritable humaniste que Nicolas Hulot dresse un constat de l'Homme occupant sa planète. S'appuyant sur sa propre expérience, il nous confie discrètement, calmement, raisonnablement ses doutes et ses craintes sur le monde dans lequel on vit, sur la crise économique, sociale, culturelle, démographique, énergétique... que traverse notre époque.
A défaut d'être simplement descriptif et énumératif, le film témoigne d'une démarche de géographe en tenant compte d'une conception spatiale, dynamique, culturelle, civilisationnelle de cette crise. Il nous conduit vers la réflexion en soulignant des paradoxes : « comment se résigner quand on sait que le superflu des uns est sans limite alors que l'essentiel des autres n'est même pas satisfait ? », comment admettre que « 20 % de la population se partage 80 % de l'énergie produite » ? Si le progrès a permis à l'homme de s'adapter à tous les milieux, de se rapprocher des autres, de satisfaire tous ses besoins, comment peut-on croire encore en l'abondance quand, nous dit Hulot, on ne découvre que la rareté ? Dans ce monde devenu ville, dans cette ère dominée par les hypermarchés, l'homme est victime du progrès. En confondant progrès et performance, en agissant au nom de sa propre liberté, l'homme a dépassé toutes les limites qu'il aurait dû se fixer et sombré dans l'excès.
Conscients de l'omniprésence de la virtualité dans notre monde d'apparence, Hulot et Lièvre ont opté pour les plans larges et fixes afin ne pas fuir la réalité des contrastes saisissants et insupportables que dessine notre système économique. Plutôt que d'apporter des solutions utopiques, le film nous incite en tant que citoyens du monde à la formulation d'hypothèses qui permettraient une meilleure répartition des richesses. En rappelant les effets de la mondialisation qui nous donne le sentiment d'avoir un modèle unique imposé, les excès de la société de consommation dont nous ne pouvons plus nous passer, les conséquences de l'urbanisation toujours plus rapide, anarchique et polluante, Le Syndrome du Titanic est avant tout un plaidoyer pour le maintien d'un équilibre à l'échelle planétaire, un appel à la mesure, un acte politique en faveur d'un monde meilleur.
MG – 04 octobre 2009