L'écriture sms... mdr
Avec ses métaplasmes, le langage sms – apanage des jeunes et des moins jeunes avides de concision dans la manière de communiquer et de manifester par écrit le ressenti ou l'interrogation du moment – est aujourd'hui pointé du doigt, notamment par les enseignants. Ces derniers voient en lui une menace pour l'orthographe, une dérive de la langue française. Auraient-ils oublié que cette interprétation, souvent phonétique, du français académique succède à bien d'autres passées aujourd'hui dans le langage courant tels le verlan, l'argot ou le javanais ?
Je me souviens d'une conversation, le matin de la Saint Gaston, avec une professeure de Lettres qui défendait la réussite scolaire et professionnelle au travers de la maîtrise de la conjugaison et de l'orthographe. Elle me fit part de son incompréhension face aux modifications scripturales relevées dans les copies de ses chers apprenants, qui portaient atteinte à l'intégrité des mots de « sa » langue française ! La pauvre avait omis, dans son enseignement d'une langue vivante, de prêter attention au sens des pensées formulées et à l'histoire linguistique. Ou bien, simplement, avait-elle oublié d'être jeune ? Quoi qu'il en soit – on notera au passage l'orthographe de mon "c(l)oaque" -, cette entrevue prit très vite la forme d'un dialogue nunique qu'il me faut vous restituer, là et maintenant... sans la moindre erreur orthographique !
LA PROF. (en cata) « v'la », « rdv »... et j'en passe. Ils suppriment de plus en plus de lettres et de syllabes. Comment veux-tu que je comprenne ce qu'ils écrivent ? Tout disparaît... petit à petit, au fil des années. J'appréhende le jour où ils me rendront tous une copie blanche.
MG. J'crois que dans cette opération, ce sont souvent les lettres inutiles que l'on rechigne à rédiger.
LA PROF. (n'osant à peine toucher son p'tit déj') De la fainéantise par dégoût ? Tu veux rire ?
MG. Non, ce n'est pas ce que j'voulais dire. Crois-tu vraiment que toutes les lettres soient utiles au déchiffrage des mots ? J'en doute. Car, vois-tu, hier comme aujourd'hui, NOUS avons toujours cherché à (re)transcrire rapidement. Faut-il te rappeler les notes quasi sténographiques qui noircissaient les pages de tes carnets lorsque t'étais étudiante ?
LA PROF. Je ne vois pas le rapport !
MG. Réfléchissons un peu... Qu'y a-t-il de condamnable dans la transcription « rdv » ? Reprocherais-tu aux Phéniciens de nous avoir légué un alphabet sans voyelles ? Es-tu tombée dans les pommes en lisant La Disparition, roman de Perec construit sur la syncope de la lettre « e » ?
LA PROF. Certes, je te donne raison. Sur un point seulement, celui des acronymes et autres abréviations. Car, au-delà des aphérèses et apocopes, je te mets au défi de lire leur écriture phonétique !
MG. C'est rien d'autre qu'une orthographe simplifiée... dans un contexte donné...
LA PROF. (nrv, boit d'un trait son Kfé) Et alphabétique ! Il me faut maintenant épeler à haute voix leur travail pour saisir la prononciation des mots !!!
MG. ODS FMR...
LA PROF. Très fin ! Je commence à te comprendre.
MG. Ne t'imagine pas que j'ALLAIS t'enfoncer ! Je T AC ÉD, jusque là !
LA PROF. (1 T ré C) Jusque là... oui ! Mais c'est bien plus complexe quand ils utilisent les chiffres comme dans « koi 2 9 ? » … J'ai l'impression de résoudre des rébus.
MG. Sois 5pa... car tes éléves peuvent aussi créer de véritables casse-tête anglo-français. « B4 », par exemple, annonce un toucher-couler si tu ne fais pas AVANT l'effort de traduction.
LA PROF. (plissant les yeux tout en esquissant un sourire de convenance, tel un émoticône) Pffff.
MG. Je vais te laisser car j'ai un rencard... à +... (m'éloignant) Je x que jeu10 nous irons au 6né avec 20 100 !
MG - 13 juin 2010.
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